On parle souvent du consentement comme d’un simple « oui » ou « non », notamment dans les contextes intimes ou juridiques. Pourtant, le consentement touche à quelque chose de bien plus profond : notre rapport à nous-mêmes, à nos émotions, à notre pouvoir d’agir, et à notre liberté relationnelle.

En tant que psychothérapeute, mais aussi dans ma vie personnelle, je vois combien de personnes ont appris à dire oui alors qu’elles pensaient non. Par peur de blesser, de perdre l’autre, ou simplement parce qu’elles ne savent plus ce qu’elles ressentent. Je vois aussi combien ont appris à dire non, quand elles aimeraient dire oui.

Cet article propose une exploration sensible et ancrée du consentement, comme chemin de reconnexion à soi et pilier de relations plus vraies.

Le consentement

Comprendre le vrai sens du consentement.

Le consentement comme processus vivant.

Le consentement n’est pas un accord figé. C’est un processus dynamique, qui peut évoluer à tout moment. Un oui donné dans un certain contexte peut devenir un non en quelques minutes. Ce qui était juste et joyeux hier peut ne plus l’être aujourd’hui. Le consentement implique donc une écoute continue de soi et un dialogue constant avec l’autre.

Selon le code civil, le consentement est valable s’il est « libre et éclairé ». Dans les milieux militants, et notamment en ce qui concerne la sexualité mais sans se limiter à cette sphère, on précise qu’il doit être libre (sans contrainte extérieure), éclairé (sans omission d’information), spécifique (pour des actes ou pratiques prévues à l’avance), réversible (droit à changer d’avis) et enthousiaste (avec envie réelle de participer).

Marshall Rosenberg, fondateur de la Communication Non Violente, disait que « Si je ne peux pas dire non, alors mon oui n’a aucune valeur. » Autrement dit, un véritable « oui » ne peut exister que dans un espace où le « non » est possible, accueilli, respecté et non négocié.

Le consentement influencé par nos conditionnements.

Chez l’enfant, les besoins et émotions sont initialement exprimées de façon spontanée et sans filtre. Si l’environnement (familial, social) y répond avec dureté, rejet, ou n’y prête pas attention, l’enfant apprend à les cacher pour satisfaire les attentes des autres, éviter le rejet et les punitions, et obtenir l’amour qui devient alors conditionnel.

Depuis l’enfance, beaucoup d’entre nous avons donc appris à nous adapter aux attentes des autres, parfois au prix de notre propre ressenti, au risque de recevoir du désintérêt ou de la violence en réponse. Ce conditionnement crée des réflexes puissants de soumission, où on peut dire oui sans même s’écouter.

Le psychanalyste Donald Winnicott parle du « faux-self », une sorte de masque social qui se construit pour répondre aux attentes de l’environnement, au détriment du self authentique. En thérapie cognitive et comportementale, on parle plutôt de comportements d’adaptation liés à nos croyances.

Ce mécanisme de survie, construit sur la peur et dont on n’a souvent pas conscience, peut être un frein à notre épanouissement à l’âge adulte.

Émotions et confusion intérieure.

Les émotions jouent donc un rôle central dans le brouillage du consentement. La peur du rejet, la culpabilité, ou encore la honte d’avoir des besoins différents de la norme (au sens : conforme avec la majorité des gens) peuvent nous amener à dire oui alors que tout notre corps dit non, ou à s’empêcher de dire oui quand on le voudrait réellement.

Pourtant, l’émotion est une excellente boussole intérieure.  Nos émotions ne sont pas des réactions aléatoires face au monde extérieur : elles jouent un rôle fondamental dans notre capacité à nous orienter dans nos relations et nos choix. Quand quelque chose « sonne faux », quand un malaise s’installe, c’est souvent notre corps et notre esprit qui essaient de nous alerter.

Une respiration bloquée, une tension musculaire soudaine, une fatigue inexplicable, une boule dans la gorge, une accélération du rythme cardiaque … peuvent être les manifestations d’un « non » intérieur qui cherche à se faire entendre.

Apprendre à écouter et exprimer ses limites.

Se réapproprier ses ressentis.

Avant de pouvoir dire non à l’extérieur, il faut souvent apprendre à entendre ce non à l’intérieur. Cela suppose de ralentir, d’observer ses ressentis corporels, de se demander par exemple : « Est-ce que je me sens libre ici ? Est-ce que c’est vraiment ce que je veux ? Est-ce que ça me semble juste pour moi ? », et d’écouter la réponse avec autant de curiosité et d’honnêteté que possible.

Ce travail peut être difficile au départ, surtout quand on a l’habitude que nos limites ne soient pas écoutées et respectées. Mais avec de la patience et de la bienveillance envers soi-même, on peut rééduquer son système intérieur à reconnaître ce qui est juste ou non.

Le « non » comme acte de respect de soi.

Souvent, dire « non » est associé à de l’égoïsme, à du rejet de l’autre, on peut aussi avoir le sentiment qu’on n’est pas légitime à poser une limite ou à refuser quelque chose qui est proposé, ou que c’est trop dangereux… Les raisons de cette difficulté peuvent être nombreuses.

Pourtant, dire « non » ne veut pas dire rejeter l’autre. Cela veut dire se respecter, reconnaître que quelque chose n’est pas aligné, que nos besoins ou envies sont différent·es. Il est possible de dire non avec douceur, en respectant également la personne en face. Dire non à l’autre, c’est avant tout se dire oui à soi-même.

Par exemple :

  • « Je ne suis pas à l’aise avec cette demande » ;

  • « Je te remercie d’avoir pensé à moi, mais je vais décliner pour cette fois » ;

  • « Je sens que ce n’est pas juste pour moi en ce moment » ;

  • « Je comprends ta demande, mais je ne peux pas faire ça » ;
  • « Je préfère être honnête avec toi et avec moi-même : ce n’est pas ce que je souhaite » ;
  • « J’aimerais pouvoir te dire oui, mais je ne suis pas disponible émotionnellement pour ça »

    Cultiver le consentement dans les relations.

    Une dynamique relationnelle à co-construire.

    Si pour que le « oui » soit sincère, il faut que le « non » puisse exister pleinement, le consentement n’est pas individuel, il est relationnel. Il se construit à deux, dans un espace de communication où les failles et les erreurs peuvent être accueillies. Cela suppose de poser des questions, de reformuler, de s’ajuster en permanence, pour éviter les malentendus et les non-dits.

    Cela suppose aussi de communiquer ses ressentis, ses besoins et ses demandes, et d’entendre ce que l’autre personne nous communique. La trame de discussion proposée dans la CNV (communication non violente) est intéressante à explorer dans ce sens. Il existe d’autres outils, détaillés dans un autre article sur les limites.

    En thérapie.

    La thérapie est un terrain d’expérimentation pour tout un tas d’aspects, et le consentement peut en faire pleinement partie. Même s’iel a des connaissances théoriques, le·a professionnel·le reste un être humain, avec ses failles, ses biais, ses maladresses. La relation thérapeutique est, comme toute relation, un espace de co-construction où les mouvements de l’un·e vont avoir un effet sur les ressentis de l’autre.

    Vous avez donc entièrement le droit de dire des choses comme « Je ne veux pas parler de ce sujet aujourd’hui », « Ce que vous dites me met mal à l’aise », « Je ne suis pas d’accord avec ça »… Et il n’est pas question ici de malmener votre thérapeute : il est question de pouvoir vous affirmer, dans un espace qui vous appartient et qui existe pour vous permettre d’aller là où c’est juste pour vous. A votre rythme.

    On en parle ensemble ?