La façon dont il est possible de gérer les émotions difficiles revient souvent dans les séances d’accompagnement.
Colère, tristesse, peur, frustration… Les émotions dites négatives sont souvent perçues comme indésirables et comme des freins à l’épanouissement personnel, au contraire de la joie qu’on nous pousse à chercher presque à n’importe quel prix.
Pourtant, elles font partie intégrante de l’expérience humaine. Et comme la joie, elles sont des messagères précieuses, avec lesquelles il est possible, et utile, de collaborer.
L’utilité des émotions difficiles.
Le rôle des émotions dans la survie.
Les émotions sont, globalement, l’un des éléments les plus essentiels à notre survie en tant qu’espèce. C’est parce que nos ancètres avaient peur du danger qu’ils évitaient d’aller se confronter à plus fort qu’eux. Lorsque leur survie était menacée par un animal, c’est la colère qui leur a permis de se défendre pour ne pas mourir.
Et ce qui était vrai il y a 2 millions d’années l’est toujours aujourd’hui. Si je traverse la route sans voir une voiture arriver, c’est parce que je vais avoir peur du bruit du klaxon que je pourrais réagir rapidement. Si je dois préparer une présentation pour une assemblée, l’anxiété liée au risque de ne pas y arriver peut me pousser à bien m’y préparer. Et c’est aussi vrai pour la joie : elle signale un moment de satisfaction ou de réussite, me poussant à reproduire ce qui m’a conduit à cet état et à renforcer les liens sociaux.
Les émotions ont toutes un rôle adaptatif. En ce sens, l’approche de la psychologie positive dit que parler d’émotions positives ou négatives est presque un contre-sens : on peut plutôt parler d’émotions agréables ou désagréables.
Chaque émotion difficile a une fonction légitime.
- La tristesse : réflexion et adaptation. La tristesse nous aide à reconnaître et à accepter une perte, un échec ou une situation difficile. Elle nous pousse à ralentir et à prendre du temps pour faire le deuil ou réfléchir à ce qui compte vraiment pour nous. Elle peut également inviter les autres à nous offrir du soutien et de la compassion.
- La peur : protection. La peur agit comme un système d’alarme. Elle nous prévient d’un danger ou d’une menace et prépare notre corps à réagir (fuite, lutte ou immobilisation). Cette émotion nous incite à éviter les situations risquées pour notre intégrité physique et psychique, et à évaluer les situations avec prudence.
- L’anxiété : protection par anticipation. L’anxiété aide à prévoir un danger ou une menace, réelle ou non, et à y répondre par avance. Elle permet de faire face à une situation incertaine ou risquée, et pousse à la vigilance, à l’évaluation des risques et à la prise de mesures préventives.
- La colère : défense et affirmation de soi. La colère surgit lorsque nous percevons une injustice ou une atteinte à nos valeurs, nos besoin, et les limites qui garantissent notre intégrité physique et psychique. Elle nous donne l’énergie nécessaire pour réagir, nous affirmer ou corriger une situation.
- Le dégoût : préservation et rejet. Le dégoût protège notre organisme et notre intégrité physique ou morale. Sur le plan biologique, il nous pousse à éviter les substances ou aliments potentiellement toxiques ou contaminés. Sur le plan social, il nous aide à nous distancier des comportements, idées ou situations que nous percevons comme contraires à nos valeurs ou notre bien-être.
Première étape pour gérer une émotion difficile : l’identifier.
Par l’écoute du corps.
Une émotion est une réaction psychophysiologique face à un évènement. Ce qui veut dire que chaque émotion va s’exprimer d’une certaine façon dans le corps, et ça peut nous donner des indices pour comprendre ce qu’on ressent, surtout lorsqu’on apprend à mettre des mots sur notre vécu.
Il existe un consensus sur certains signes en lien avec certaines émotions. La tristesse, par exemple, provoque généralement une sensation de lourdeur dans la cage thoracique et la gorge, l’humidification des yeux et une impression de fatigue. La colère provoque généralement une tension corporelle importante, une respiration rapide et profonde, une sansation de chaleur soudaine. La peur genère une respiration rapide et superficielle, des tremblements, là où l’anxiété s’accompagne également d’inconfort gastrique et d’une sensation d’agitation intérieure importante. Tandis que le dégoût se manifeste plutôt par une crispation du visage, des hauts-le-coeur, un recul spontané.
Ceci étant dit, il s’agit là de ce qu’on observe le plus souvent chez des personnes qui expérimentent une émotion. Il est possible que chez vous, le langage corporel soit différent, et il est intéressant de pouvoir l’observer pour, ensuite, pouvoir écouter vos signaux et les mettre en lien avec votre ressenti émotionnel.
Par l’observation du comportement réflexe.
Les émotions ont un rôle d’adaptation à l’environnement. Chaque émotion provoque donc une réaction réflexe, qu’on appelle « tendance à l’action ». Et si écouter les signaux de votre corps est compliqué, ou en association de ces signaux, identifier la tendance à l’action générée par une situation peut vous aider à percevoir l’émotion qui a été déclenchée.
- La tristesse : repli et recherche de soutien. La tristesse incite à ralentir, à se renfermer sur soi. Elle peut également inviter les autres à nous offrir du soutien et de la compassion.
- La peur : fuite. La peur prépare à réagir à un danger en le fuyant, en s’éloignant. Elle peut aussi créer de l’hypervigilence, et nous faire analyser la situation pour trouver un moyen de se protéger.
- L’anxiété : recherche de contrôle. L’anxiété pousse à remettre du contrôle là où on a l’impression d’en manquer. Elle incite à éviter les situations perçues comme menaçantes, à anticiper les problèmes pour y remédier, ou à procrastiner pour ne pas affronter la difficulté.
- La colère : confrontation ou défense. La colère donne l’énergie pour affronter une situation perçue comme injuste ou menaçante. Elle peut provoquer un élan d’agressivité physique et/ou verbale.
- Le dégoût : rejet ou éloignement. Le dégoût incite à repousser ou à s’éloigner de ce qu’on perçoit comme toxique, désagréable ou contraire à nos valeurs. Il peut aller jusqu’à l’impulsion d’éliminer ce qu’on voit comme nuisible.
Par l’utilisation d’outils.
Parfois, le langage du corps et ses impulsions ne suffisent pas pour nommer une émotion, soit par manque d’habitude, soit parce qu’il est difficile de verbaliser un ressenti, en présence d’un trouble psychique ou non (on peut alors parler d’alexithymie,une difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions). Certains outils peuvent aider à poser les mots sur ce qu’on ressent, et à élargir le vocabulaire utilisé pour mettre de la nuance dans ce ressenti : l’irritation n’est par exemple pas la même chose que la frustration ou la rage, même si elles appartiennent toute au registre de la colère.
- La roue des émotions. C’est un outil visuel très intéressant pour identifier et nommer ses émotions. Elle est composée de différentes catégories d’émotions, allant des émotions de base (joie, tristesse, colère, peur) à des émotions plus nuancées. Il est parfois plus facile de nommer son émotion en lisant une liste de mots sur un outil comme celui là, qui permet également de décomposer les émotions complexes en des termes plus accessibles ou plus précis.
- Le journal des émotions. Un journal des émotions est un carnet dans lequel on va prendre le temps de noter ses ressentis à différents moments de la journée, ou quand le besoin s’en fait sentir. Il est possible d’y écrire les sensations physiques, ce dont on aurait eu besoin dans une situation donnée, le comportement qu’on a eu envie de mettre en place ou qu’on a effectivement suivi … Ce cheminement peut aider à mieux reconnaître et nommer les émotions.
- Les étiquettes des émotions. Un peu comme la roue des émotions, mais en moins complexe, il est possible d’avoir une liste d’émotions, à garder sur soi ou sur son téléphone, et à l’utiliser comme référence pour vous aider à trouver le mot juste.
- Les cartes de communication. Cet outil, plutôt destiné à se faire comprendre lorsque la communication orale n’est pas possible, peut être tout à fait indiqué pour aider à identifier ce qui se passe en soi. Puisque ces cartes proposent souvent un panel plus ou moins complexe d’émotions à transmettre aux autres, elles peuvent être utilisée en outil d’auto-soin.
Gérer les émotions difficiles.
Peut-on vraiment gérer une émotion difficile ?
Puisque les émotions sont des réactions instinctives face à notre environnement et aux situations qu’on traverse, parler de gestion des émotions difficile est en réalité un non-sens. Gérer une émotion supposerait de vouloir contrôler, maîtriser ou supprimer un fonctionnement normal et naturel de notre corps, et d’aller à l’encontre de ce dont on a besoin pour avancer. Sans compter les effets néfastes qu’un tel évitement peut engendrer, comme une intensification des ressentis non exprimés ou l’apparition de symptômes psychosomatiques. Alors que les émotions sont par nature transitoires : elles montent, atteignent un pic, puis redescendent si on leur laisse l’espace pour exister.
Il est plus juste de parler de compréhension, d’accueil, ou de régulation des émotions. Les émotions ne sont plus vues comme des obstacles à notre épanouissement ou des erreurs à corriger, mais comme des informations riches, qu’on peut apprendre à utiliser.
L’acceptation de l’émotion difficile.
Comme expliqué au début de cet article, chaque émotion a un rôle dédié à notre survie en tant qu’espèce et en tant qu’individu. Pourtant, lorsque l’on ressent une émotion intense comme la tristesse, la colère ou la peur, il est courant de se juger négativement pour ces ressentis. Ce jugement amplifie souvent la souffrance émotionnelle en y ajoutant de la culpabilité ou de la honte. Merci à notre cerveau qui s’est développé, mais qui dans ce contexte, essaie de mettre du mental là où l’émotionnel sait très bien ce qu’il a à faire.
L’auto-compassion, au contraire, est l’une des approches qui aident à rompre ce cercle vicieux en normalisant les émotions : elle nous rappelle que vivre des moments difficiles et ressentir des émotions désagréables fait partie de l’expérience humaine commune. Elle pose un cadre bienveillant pour accueillir et traiter les expériences émotionnelles difficiles. Cette approche consiste à se montrer envers soi-même la même gentillesse et compréhension qu’on offrirait à un proche en détresse, plutôt que de se critiquer ou de se juger sévèrement. Cette reconnaissance permet de réduire l’agitation intérieure et de calmer le système nerveux, facilitant ainsi la réflexion et l’adoption de comportements constructifs et sains.
La thérapie ACT est une autre approche qui vise l’acceptation des émotions, et nous donne des outils pour réduire les comportements d’éloignement des émotions difficiles, en nous concentrant plutôt sur ce qu’on peut faire pour aller vers ce qui a du sens pour nous. Même si, justement, ça implique parfois de passer par des émotions désagréables !
Le partage social.
Parfois, le simple fait de nomer l’émotion et de la partager à quelqu’un peut la faire diminuer fortement. L’écoute, la compréhension, l’empathie, sont autant de réactions qui favorisent la régulation des émotions difficiles.
Apaiser sa respiration.
J’ai abordé le sujet de la respiration dans la régulation de l’anxiété dans cet article. Cette technique peut en réalité être utilisée quelque soit l’émotion qu’on traverse. Se concentrer sur sa respiration peut aider à défocaliser l’attention d’un ressenti émotionnel trop intense. Par ailleurs, la respiration est un excellent moyen d’agir sur le système nerveux parasympathique, la partie du système nerveux qui favorise un retour au calme de l’organisme.
Les techniques de pleine conscience.
La pleine conscience est un outil intéressant pour prendre du recul sur une situation et observer nos émotions. Dans la pleine conscience, il n’est pas question de faire le vide jusqu’à ne plus penser à rien : c’est humainement impossible. Dans cette pratique, on cherche plutôt à observer ce qui se passe en soi dans l’intant présent, sans essayer de le modifier et en essayant de ne pas le juger. il est possible, dans ces moments, de visualiser ses pensées comme des nuages qu’on voit et qu’on laisse passer, ou des ballons qu’on laisse s’envoler. Il est possible de noter les sensations physiques associées, les subtilités, les contradictions, et même notre difficulté à faire de la place à tout ça ; là encore, en évitant jugement et changement, et en restant ancré·e dans le moment présent.
Attention toutefois si vous êtes souffrez d’anxiété ou de trouble psychique : la pleine conscience peut être contre indiquée et produire l’effet contraire à celui recherché en laissant la personne face à ses peurs et à ses pensées ; l’avis et l’accompagnement d’un·e professionnel·le sont alors primordiaux.
L’expression créative.
Collage, dessin, peinture, gravure, écriture … Les techniques d’expression sont variées, et peuvent être un outil puissant pour laisser sortir ce qui nous traverse. J’ai par exemple parlé de l’intérêt de l’écriture intuitive dans la régulation des émotions difficiles dans cet article.
La réévaluation cognitive.
Explorer les pensées et comportements en lien avec nos émotions peut être une approche intéressante pour mettre en évidence des schémas récurrents qu’on voudrait comprendre ou sur lesquels on voudrait ensuite travailler. Là encore, je vous renvoie à cet article expliquant le lien entre les pensées, les émotions et les comportements, et comment une modification de point de vue ou le fait de nuancer les pensées automatiques peut aider à réguler les émotions engendrées.
L’activité physique.
L’activité physique est un moyen intéressant de réguler les émotions difficiles, en agissant à plusieurs niveaux à la fois physiologiques et psychologiques.
Lors d’un effort, le cerveau libère des endorphines, souvent appelées « hormones du bonheur », qui procurent une sensation de bien-être immédiat. Ces substances chimiques, accompagnées d’autres neurotransmetteurs comme la dopamine et la sérotonine, contribuent à améliorer l’humeur, à réduire l’anxiété et à apaiser le stress. Parallèlement, l’exercice diminue les niveaux de cortisol, l’hormone du stress, ce qui permet au corps et à l’esprit de retrouver un état de calme et de détente.
L’activité physique améliore également la connexion entre le corps et l’esprit. En se concentrant sur les mouvements, les sensations ou la respiration, elle peut aider à identifier et à comprendre les émotions qui se manifestent souvent à travers des tensions physiques, et à canaliser les émotions intenses. Voire même, à les remplacer par un sentiment de fierté après un effort particulièrement fatigant.
Enfin, l’exercice favorise un meilleur sommeil, un élément clé de l’équilibre émotionnel.
L’accompagnement psychothérapeutique.
Contrairement à une idée encore largeur répandue, il n’y a pas besoin de vivre un évènement tragique ou une difficulté énorme pour consulter, si on pense que ça peut nous aider. Chercher à comprendre ce qui se passe en nous, les besoins mis en lumière par nos émotions, gagner en compétence émotionnelle pour améliorer notre relation avec nous-même et avec les autres, sont quelques unes des très bonnes raisons de débuter un accompagnement.
On en parle ensemble ?