Souvent, on vit nos émotions de façon automatique, sans avoir conscience de leur origine ou de ce qu’on peut en faire. L’impression d’être embarqué·e dans une tornade émotionnelle, d’être soumis à ce qui se passe en nous sans avoir aucun moyen d’action, n’est alors pas loin. Pourtant, les émotions ont toujours quelque chose à nous dire. Et transformer la façon dont on les voit, ce qu’on en pense et ce qu’on en fait, est un bon moyen de réguler nos émotions en général, et de réduire l’anxiété en particulier.

On a tous·tes, par exemple, connu un moment où une pensée négative (« Je ne vais pas y arriver ») a déclenché une vague d’anxiété et une volonté d’abandonner. Ou une situation où mettre de la compassion dans notre colère a pu participer à apaiser cette colère.

Ce qui se passe dans notre esprit influence la manière dont nous vivons nos émotions, qui elles-mêmes déterminent nos actions. Comprendre et agir sur nos pensées, c’est reprendre une part de contrôle sur nos comportements et mieux utiliser nos émotions.

réduire l'anxiété

Comprendre les pensées et leur influence sur l’anxiété.

Qu’est-ce qu’une pensée ?

Une pensée est une construction mentale qui se manifeste sous forme d’idées, d’images, de souvenirs, de jugements ou d’anticipations, et qui nous permet de donner un sens à ce que nous vivons. Elle peut être consciente, comme lorsqu’on réfléchit volontairement à une situation, ou automatique, comme lorsqu’un souvenir ou un jugement surgit spontanément en réaction à un élément de notre environnement.

Les pensées constituent un « bruit de fond » constant dans notre esprit : une étude de la National Science Fondation en 2005 a établi que chaque personne créé plus de 60 000 pensées par jour, soit environ une pensée toutes les 1,5 secondes !

Elles influencent notre façon de voir le monde et les autres, mais ne sont pas nécessairement factuelles ; elles sont souvent teintées par nos expériences passées, nos croyances et nos émotions. C’est donc une forme d’interprétation de la réalité, influencée par nos schémas mentaux et émotionnels. C’est une représentation interne de ce que nous percevons ou imaginons, mais elle n’est pas forcément une vérité objective et partagée par d’autres personnes.

Le rôle des pensées dans le ressenti émotionnel

La pensée fonctionne comme donc un filtre, interprétant la réalité selon notre vécu, le contexte, notre état d’esprit du moment…  Par exemple, si je vois une personne avec une expression neutre sur le visage, je peux penser qu’elle m’en veut, ou que je ne l’intéresse pas, ou qu’elle s’ennuie et que ça n’a rien à voir avec moi… selon l’appréciation que j’ai de moi, et la teinte émotionnelle du moment. Les sentiments seraient alors impactés par ce que je me dis de la situation : sentiments de culpabilité ou d’anxiété, empathie et recherche de solution…

L’interprétation qu’on donne à une situation influence donc notre réponse émotionnelle.

L’impact des distorsions cognitives dans l’anxiété.

L’étude menée en 2005 par la National Science Fondation a montré qu’au moins 80% des pensées existant chez chaque personne sont négatives. Parmi les explications possibles : les distorsions cognitives.

Les distorsions cognitives (ou biais cognitifs) sont des schémas de pensée biaisés ou irrationnels qui influencent négativement notre perception de la réalité et peuvent ainsi impacter nos émotions.

Elles fonctionnent comme des filtres déformants qui accentuent les pensées négatives, engendrant souvent des émotions comme l’anxiété, la tristesse ou la colère. Parmi elles, on retrouver par exemple :

    • La pensée catastrophique : prédire le pire résultat possible dans une situation, en exagérant les conséquences négatives d’un événement à venir (exemple : « Si je rate cette présentation, toute ma carrière est fichue »).
    • La généralisation excessive : tirer une conclusion générale à partir d’une expérience isolée, souvent négative, et considérer que cela s’applique à toutes les situations similaires (exemple : après un refus d’embauche, se dire « Je n’arriverai jamais à trouver un emploi »).
    • L’abstraction sélective : focaliser son attention uniquement sur les aspects négatifs d’une situation en ignorant les éléments positifs ou neutres (exemple : après un retour majoritairement positif sur un projet, ne retenir que la seule critique reçue et l’amplifier).
    • Le raisonnement émotionnel : croire que ses émotions reflètent la réalité objective (exemple : « Je ressens de la peur, donc cela signifie que je suis forcément en danger »).
    • La personnalisation : se sentir responsable d’événements négatifs extérieurs ou croire que tout est lié à soi, même quand ce n’est pas justifié (exemple : « Si mon ami est de mauvaise humeur, c’est forcément parce que j’ai dit quelque chose de mal »).

Comprendre la relation entre pensées et comportements pour réduire l’anxiété.

Les comportements, résultats de pensées et d’émotions

En façonnant la façon dont on interprète les événements et nos émotions associées à cette interprétation, nos pensées influencent directement la façon dont nous nous comportons. Si je vois une situation sous le prisme de la colère, je ne vais sans doute pas avoir la même réaction qu’en la voyant sous le prisme de la peur, de la neutralité ou de la joie.

Une pensée négative ou limitante, lorsqu’elle est répétée (et c’est le cas de 95% de nos pensées négatives !), peut provoquer des comportements d’évitement ou de confrontation, entraînant souvent des cycles de renforcement qui amplifient les émotions désagréables. Autrement dit, moins je me confronte à ce qui me fait peur, et plus je risque d’en avoir peur.

La boucle de rétroaction négative.

Prenons l’exemple d’une personne qui anticipe des jugements négatifs lorsqu’elle doit parler en public. Si elle pense « je vais être jugé·e si je parle en public », elle ressent probablement de l’anxiété, voire de la peur. Cette émotion peut la pousser à éviter la prise de parole pour éviter cette situation inconfortable. Ce comportement d’évitement, bien qu’apaisant à court terme, a en fait des conséquences délétères à long terme :

    • Renforcement de la pensée initiale : En évitant la prise de parole, la personne se convainc que sa pensée était correcte : « J’ai bien fait d’éviter, sinon, j’aurais été jugé. » Cela valide sa crainte initiale, renforçant la croyance que prendre la parole est dangereux.
    • Alimentation de la peur : L’évitement empêche d’affronter la situation et de constater que le danger perçu n’existe peut-être pas, ou qu’il est moins grand que prévu. La peur reste donc intacte, voire augmente, car le cerveau n’a pas eu la possibilité de désamorcer la menace par l’expérience.
    • Création d’une boucle d’évitement : Plus la personne évite la situation, plus elle renforce l’association entre l’acte de parler en public et le sentiment de danger. Cela crée un cercle vicieux où chaque évitement devient une validation de la pensée anxiogène.

    On peut alors parler de boucle de rétroaction négative, un processus dans lequel les pensées, les émotions et les comportements se renforcent mutuellement et de façon négative.

    Cette boucle peut avoir pour origine des croyances profondes, issues de l’enfance ou d’expériences passées marquées par des critiques ou des échecs. Dès que cette pensée émerge, elle génère une émotion d’anxiété intense qui influence le comportement de la personne, notamment en la poussant à éviter les situations potentiellement risquées où elle pourrait se sentir vulnérable. Ce qui ne l’aide malheureusement pas à en sortir et à construire une estime de soi adaptée.

    Réduire l’anxiété : la nécessité de sortir de la boucle.

    La prise de conscience de cette dynamique est cruciale pour rompre la boucle de rétroaction. Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour agir sur les pensées et comportements :

      • Restructuration cognitive : il s’agit de remettre en question les pensées automatiques négatives. Par exemple, au lieu de penser « Je vais échouer », on peut s’entraîner à envisager d’autres options comme « Ce sera une occasion d’apprendre, même si ce n’est pas parfait ». Ce changement de perspective diminue l’anxiété initiale et ouvre la voie à un comportement d’engagement plutôt que d’évitement.
      • Exposition progressive : pour contrer l’évitement, on peut s’exposer progressivement aux situations redoutées, en commençant par des étapes accessibles. Par exemple, si on craint l’échec dans les situations sociales, on peut commencer par participer à des événements moins intimidants pour reprendre confiance.
      • Auto-compassion : apprendre à accepter ses erreurs comme des étapes d’apprentissage et faire preuve de bienveillance envers soi-même est un levier puissant pour changer son comportement. Accepter que l’échec fait partie de la croissance permet de réduire la peur et de désamorcer le besoin d’éviter.
      • Mais aussi comportements de substitution, travail sur la procrastination, identification des schémas de pensée, flexibilité psychologique, exercice de visualisation, hypnose, …

      On en parle ensemble ?