S’affirmer est une clé précieuse pour vivre des relations plus épanouies, mais c’est aussi un défi quotidien pour beaucoup de personnes. Combien de fois avez-vous pensé « J’aurais dû dire non », ou encore « Pourquoi je n’ai pas osé exprimer mon avis ? » ? Ces moments de frustration ou de regret naissent souvent d’une difficulté à s’affirmer, à trouver l’équilibre entre exprimer ses besoins et respecter ceux des autres. Pourtant, il est tout à fait possible d’apprendre à s’affirmer !
Dans une société où on est encouragé·es à éviter les conflits ou à privilégier le confort des autres, l’affirmation de soi est parfois perçue comme égoïste, voire agressive.
En réalité, dans l’affirmation de soi, il ne s’agit pas de dominer ni de céder, mais de trouver une voie médiane où chacun peut s’exprimer librement. Cette compétence peut demander du travail sur soi, de la pratique et du courage pour dépasser la peur de déplaire ou d’être jugé·e.
Ça veut dire quoi, apprendre à s’affirmer ?
Ni paillasson, ni hérisson.
L’affirmation de soi repose sur un équilibre subtil : faire de la place à soi, tout en laissant de la place aux autres. C’est oser dire ce que l’on pense ou ressent et être qui on est réellement, tout en respectant les autres. Cela paraît simple en théorie, mais dans la pratique, c’est souvent plus complexe.
Apprendre à s’affirmer signifie apprendre à faire preuve d’assertivité. Un comportement assertif est un comportement où on arrive à s’exprimer et à défendre ses droits, sans empiéter sur ceux des autres. On reste dans la relation à l’autre et le respect de l’autre.
C’est une notion qui peut être résumée par une expression que je trouve très parlante : ni paillasson, ni hérisson. Le hérisson, c’est l’expression très forte d’une émotion qui nous mène à vouloir piquer l’autre pour se défendre, à le faire s’éloigner ou à prendre soi-même la fuite. Le paillasson, c’est se faire piétiner parce qu’on ne dit pas ce qu’on a envie de dire, qu’on n’arrive pas à faire entendre sa voix, qu’on s’efface pour éviter le conflit. Autrement dit, le hérisson c’est le manque de respect pour l’autre, et le paillasson est un manque de respect pour soi-même.
Assertivité, agressivité et passivité.
L’assertivité est donc le juste milieu entre ces deux extrêmes, qu’on peut aussi appeler comportement agressif et comportement passif. Et on parle bien ici de comportement, et non de personnalité.
Le comportement agressif se caractérise par une manière de s’exprimer ou d’agir qui cherche à imposer ses besoins, ses opinions ou ses désirs sans tenir compte des sentiments, des besoins ou des droits des autres. Il peut se retrouver dans des paroles dures, un ton menaçant, des gestes intimidants ou encore une attitude dominatrice. L’objectif est de prendre le contrôle de la situation.
Le comportement passif, à l’opposé, consiste à éviter de s’exprimer ou de défendre ses besoins, ses droits ou ses opinions, en laissant une plus grande place à l’autre. Il peut se traduire par le silence, l’évitement ou l’acceptation de situations inconfortables, même lorsque cela va à l’encontre de leurs envies ou de leurs limites. A terme, ce comportement peut engendrer de la frustration, de l’insatisfaction ou un sentiment de victimisation.
Mais adopter un comportement passif ou agressif ne fait pas forcément de soi quelqu’un de passif·ve ou d’agressif·ve ! Si par exemple je vois que mon ami·e traverse une crise émotionnelle qu’iel n’arrive pas à gérer, qu’iel fait preuve d’un comportement agressif à mon égard, je peux choisir d’adopter un comportement passif pour ne pas créer de tension supplémentaire, et trouver un moment plus adapté pour en discuter et chercher des moyens de se rejoindre à un endroit plus équilibré la prochaine fois.
Mon 6 n’est pas ton 6.
C’est une autre image que je trouve intéressante pour apprendre à s’affirmer.
Selon là où je me trouve, je ne vois pas forcément la même chose qu’une autre personne. Autrement dit, selon mon vécu, mon état d’esprit, mes croyances, mes valeurs… ma perception d’une situation peut être différente de la perception d’une autre personne dans cette même situation. Ça ne veut pas dire qu’une perception est plus adaptée qu’une autre ; ça veut seulement dire qu’elles sont différentes. Et chacune peut exister.
Si je vois un 6 et que tu vois un 9, je peux garder mon 6 sans chercher à l’effacer, tout en respectant le fait que tu vois un 9 sans chercher à le modifier. Ensuite, on peut chercher des compromis pour se retrouver au milieu.
Pourquoi c’est important, et pourquoi c’est difficile.
Freins à l’affirmation de soi.
Apprendre à s’affirmer ne se fait pas du jour au lendemain, et peut apporter son lot de difficultés. Peur d’être rejeté·e ou jugé·e, peur de blesser l’autre, peur du conflit, peur d’avoir l’air ridicule ou vu·e comme différent·e … La crainte des conséquences pénibles peut être un frein énorme à l’affirmation de soi.
Tout comme les croyances limitantes, de l’ordre de « mes besoins ne sont pas aussi importants que ceux des autres », ou « si je ne réponds pas aux attentes des autres, je vais être abandonné·e et on ne m’aimera plus » … Toutes ces pensées bien incrustées qui ont pour objectif de nous faire apprécier ou aimer des autres, quitte à se sacrifier dans la relation.
Il peut aussi être compliqué de savoir quoi exprimer. Si je ne connais pas mes besoins, que je ne comprends pas le message derrière mes émotions, comment je peux les faire exister dans la relation et les faire entendre ?
Intérêts d’apprendre à s’affirmer.
Pourtant, apprendre à s’affirmer présente des intérêts non négligeables pour notre propre santé mentale. Ne pas se sentir obligé·e de tout accepter peut grandement nous faire gagner en sérénité, et nous permettre de prendre des décisions par réelle volonté, et faire des choix plus alignés avec nos valeurs et nos envies. Les sentiments d’injustice, de frustration et de ressentiment ont toutes les chances de diminuer au sein des relations, et celles-ci deviennent alors plus fortes et profondes, car on offre une image de soi plus authentique tout en laissant à l’autre la place de l’être aussi. Au fil des expériences, la confiance en soi peut également être impactée positivement : en affirmant mes besoins, le message que j’envoie aux autres et à moi-même est que je compte, et que je respecte la personne que je suis.
Concrêtement, comment apprendre à s’affirmer ?
La première étape pour apprendre à s’affirmer : identifier ses besoins.
La base de l’affirmation de soi, c’est la connaissance de soi. C’est plutôt logique : comment s’affirmer si on ne sait pas ce qu’on veut affirmer ?
Pour ça, l’accueil, l’écoute et l’utilisation des émotions va s’avérer d’une grande aide. Chaque émotion est un indicateur. Et pas seulement celles qui sont agréables, mais aussi (et surtout !) celles qui ne le sont pas. Les émotions sont d’excellentes alliées dans l’affirmation de soi, parce qu’elles traduisent dans le réel des besoins qui peuvent être difficiles à verbaliser. Par exemple et selon les situations, la colère peut signaler une limite qu’on a dépassé, un besoin de sécurité (physique, psychique…) qui n’est pas satisfait ; la tristesse peut nous parler d’une fin de quelque chose, d’une perte et d’un besoin de (re)connexion… Une fois qu’on comprend le message de l’émotion, il est plus facile de savoir comment y répondre, en se concentrant sur la façon dont on peut remplir le besion mis à mal.
Et apprendre à les exprimer.
Une fois les besoins identifiés, il s’agit évidemment de les formuler à l’autre. Et les formuler de façon claire et respectueuse de chacun·e, ça peut aussi s’apprendre.
Si j’exprime à l’autre mon ressenti en termes de reproches, il est probable que mes propos soient reçus comme des attaques et déclenchent une réponse agressive ou défensive. Ici, on va plutôt chercher à s’exprimer en son nom propre, c’est-à-dire en ne parlant que de soi : nos ressentis, notre vécu de la situation, nos besoins, et notre demande en lien avec la situation. En gros, il s’agit ici de présenter son 6 à l’autre, pour qu’iel puisse en prendre connaissance.
Il est tout à fait possible de faire de la place à l’autre, dans cette étape. Ce qui reviendrait à lui dire « moi, je vois un 6 ; je comprends que tu vois un 9, mais je vois un 6 et j’ai besoin que ce 6 puisse exister ». Plus concrètement, ça pourrait donner des discussions comme :
- Au lieu de « Tu me respectes pas » –> »Quand tu me dis ça, ça me met en colère parce que je ne me sens pas respecté·e ; je sais bien que pour toi ça n’a pas le même sens, mais c’est important pour moi. J’aimerais que tu évites de dire ce genre de choses pour que je puisse me sentir plus respecté·e dans ma relation avec toi« .
- Au lieu de « Tu fais pas attention à moi » –> « En ce moment on ne passe pas beaucoup de temps ensemble et ça me rend triste, on essaie de se dégager un après midi bientôt pour se voir ? Ca me ferait plaisir«
Apprendre à dire non, et à dire oui.
Dire non est l’un des éléments les plus difficiles dans l’affirmation de soi. Et avant d’apprendre à dire non, il est possible d’apprendre à ne pas dire oui. Augmenter le temps de latence entre la question et notre réponse, expliquer qu’on a besoin de réfléchir à une demande, attendre qu’une demande nous soit formulée avant de proposer son aide … sont quelques moyens de se laisser la possibilité de réellement réfléchir à ce qu’on veut répondre. Et si la réponse est un oui, il y a alors plus de chances que ça soit un vrai oui.
Il peut être très compliqué de dire non sans fournir d’explications, d’autant que c’est une attente sociale répandue. Ces explications peuvent tout à fait être données, à condition d’être honnêtes, ou au moins aussi honnêtes que possible. Dans une démarche d’affirmation de soi, ne pas mentir à l’autre est une façon à la fois de le·a respecter, tout en se respectant soi-même. Sans compter que des fausses excuses peuvent être détournées, si la personne en face a du mal à nous écouter.
Enfin, faire de la place au oui peut se travailler. Accepter une invitation, s’autoriser à reprendre de ce dessert qu’on nous propose parce qu’on s’est régalé·e avec la première part, se laisser surprendre par l’envie de découvrire une activité qui nous motive même si elle nous fait un peu peur … S’affirmer, c’est aussi oser faire de la place à ce qui nous fait vibrer.
Apprendre à dire non très fort.
Parfois, malheureusement, l’affirmation de soi passe par la nécessite de se prioriser et d’avoir une position très ferme sur ce qu’on accepte ou non. « Non, tu n’as pas le droit de me manquer de respect comme ça ». « Non, ça me convient pas et si tu ne veux pas m’écouter, je ne discute plus avec toi ». « Non, je refuse de parler avec toi tant que tu t’adresses à moi comme ça ».
L’assertivité suppose de faire de la place à soi, tout en faisant de la place à l’autre. Mais quand l’autre ne nous fait pas de place, on a tout à fait de droit de dire qu’on n’est pas d’accord avec ce qui se passe, et de se protéger. On a toujours le droit de prendre soin de soi et de se respecter.
Vous ressentez le besoin d’apprendre à vous affirmer ? On peut en parler ensemble.