Dans un monde qui valorise la perfection et l’approbation extérieure, cultiver l’amour de soi peut sembler un défi, voire une idée étrangère. Quand l’apparence, la performance et le jugement des autres dictent souvent notre valeur, s’aimer soi-même est une démarche audacieuse et essentielle pour se reconnecter à son être authentique.
Si je vous posais la question « Est-ce que vous vous aimez ? », quelle serait votre réponse spontanée ? Est-ce qu’il y aurait dans votre réponse une once de culpabilité, de honte, de revendication, l’impression d’un objectif impossible à atteindre ?
Au fond, ça veut dire quoi, s’aimer soi-même ?
Ce que « s’aimer soi-même » n’est pas.
S’aimer soi-même n’est pas égoïste.
L’égoïsme est une attitude ou un comportement volontaire et caractérisé par une focalisation excessive sur soi-même. Il ne s’agit pas seulement de prendre soin de soi ou de répondre à ses propres besoins, ce qui est nécessaire pour un équilibre personnel sain, mais aussi d’ignorer les besoins des autres. Ces besoins sont considérés comme moins importants, voire pas importants du tout, au contraire des besoins, désirs et intérêts personnels qui sont alors vus comme prioritaires. Et tant pis pour les inconvénients ou souffrances que ça peut créer chez l’autre.
Cette attitude peut se traduire par des actions comme le fait de refuser le partage, d’ignorer les sentiments d’autrui, ou d’agir de manière intéressée pour obtenir des bénéfices personnels sans tenir compte des conséquences.
L’égoïsme place donc le « moi » en priorité et au détriment des « autres ». L’amour de soi, quant à lui, prend en compte les besoins personnels (« moi »), tout en tenant compte et en respectant « les autres ».
Ni narcissique.
Le narcissisme est une attitude psychologique marquée par une admiration excessive de soi-même et un besoin constant d’approbation extérieure. Les personnes narcissiques ont une image idéalisée de leur propre valeur, mais cette image est fragile et ultra dépendante du regard des autres. Elles cherchent à la renforcer par l’approbation et l’admiration des autres ; tout en ayant parfois du mal à les apprécier. Là où tout le monde a besoin du regard de l’autre pour exister et avancer, le narcissisme rend ce regard nécessaire à une sérénité très relative.
Elles aussi peuvent avoir du mal à accepter les critiques, souvent perçues comme des menaces. Ce qui ne veut pas dire que quiconque ayant des émotions désagréables face à la critiques sont narcissiques ! Recevoir une critique n’est souvent pas simple, et peut d’ailleurs se travailler.
Donc, là où l’amour de soi est une acceptation équilibrée et bienveillante de qui l’on est, le narcissisme s’appuie sur une construction de soi fragile et dépendante de l’admiration extérieure pour se sentir en sécurité.
Amour de soi ne veut pas dire absence de remise en question.
L’auto-indulgence consiste à s’accorder des permissions ou des gratifications sans poser de limites raisonnables, souvent au détriment de la discipline ou de la responsabilité personnelle. Cela peut se traduire par un excès de tolérance envers ses propres comportements, même lorsque ceux-ci ont des conséquences négatives pour soi-même ou pour les autres. L’auto-indulgence peut devenir une manière d’éviter les efforts nécessaires pour grandir ou s’améliorer, en justifiant ses comportements par des excuses ou des rationalisations.
S’aimer soi-même n’implique pas de tout se permettre, ni de se déresponsabiliser face à ses erreurs ou comportements. Il est au contraire sain de pouvoir se remettre en question, d’accepter ses faiblesses, et d’apprendre de ses erreurs.
Ni complaisance dans la souffrance.
La complaisance dans la souffrance est une attitude qui consiste à rester attaché·e à des situations de souffrance ou de mal-être, souvent par peur du changement, par sentiment de fatalisme, par impression d’un manque de ressources (réelle ou non), ou par habitude.
Parfois, certaines personnes assimilent amour de soi avec l’acceptation de tous les aspects de leur vie, y compris ceux qui sont source de souffrance ou de mal-être. Toutefois, s’aimer soi-même peut aussi signifier vouloir mieux pour soi et faire preuve de compassion envers sa propre souffrance. Cela implique donc de ne pas se résigner à des situations douloureuses, mais de chercher des moyens de les transformer.
Ce n’est pas se surprotéger.
La surprotection est une forme de protection excessive qui vise à éviter toutes les situations ou émotions jugées inconfortables ou potentiellement dangereuses. Les personnes qui se surprotègent ont souvent peur de la vulnérabilité, ce qui peut les amener à éviter les relations, les expériences nouvelles ou tout ce qui pourrait entraîner des émotions difficiles à ressentir.
L’amour de soi ne consiste pas à se protéger constamment des émotions difficiles ou à éviter toute situation inconfortable. Se surprotéger, c’est souvent une manière de se priver d’expériences enrichissantes et d’occasions de croissance. S’aimer soi-même, c’est accepter que la vulnérabilité fasse partie de la vie humaine et que s’exposer à certaines situations permet de grandir et de mieux se connaître.
Ni rechercher absolument la perfection.
La recherche de perfection pousse à vouloir atteindre un niveau irréaliste d’excellence dans tous les aspects de sa vie, souvent motivé par la peur de l’échec ou du jugement, et peut se manifester par un ensemble de comportements allant de la fixation de critères inaccessibles à … la procrastination par peur de ne pas les atteindre ! Les perfectionnistes se fixent des standards hors de portée et se jugent durement lorsqu’ils ne parviennent pas à les satisfaire. Cette quête de perfection peut mener à de l’anxiété, de la frustration, et une très mauvaise estime de soi-même, même en cas de réussite.
S’aimer soi-même suppose au contraire l’acceptation de son humanité, avec ses imperfections et ses limites.
Mais alors, ça veut dire quoi s’aimer soi-même » ?
S’aimer soi-même, ça suppose d’accepter qui on est.
Pour tendre vers l’amour de soi, il est primordial de prendre conscience de qui on est, pour ensuite essayer de s’accepter dans notre entièreté, avec nos qualités et nos défauts, nos forces et nos failles, nos réussites et nos échecs. Ça ne veut pas dire qu’on doit se satisfaire de tout, et comme vu précédemment il est tout à fait entendable de vouloir changer ce qui ne nous convient pas et de s’en donner les moyens. Mais l’acceptation suppose plutôt d’apprendre à accueillir chaque aspect de soi sans jugement excessif ni besoin de se conformer aux attentes extérieures. Cette acceptation est une base solide pour se sentir digne d’amour, indépendamment de ses actions ou de ses performances.
Si votre conjoint·e sent très mauvais des pieds, est-ce que vous l’aimez moins pour autant ? Si votre animal répond à ses instincts et fait ce qu’on voit, de notre regard d’humain·e, comme une bêtise, est-ce que vous arrêtez de le voir comme le plus beau au monde ?
L’acceptation de l’entièreté d’un être vivant, c’est exactement ça, et vous avez tout à fait de droit de vous l’accorder également.
D’être bienveillant·e et respectueux·se envers soi-même.
S’aimer soi-même implique de se traiter avec le même respect et la même gentillesse que l’on accorderait à un proche. Ça regroupe tout un ensemble de comportements dirigés vers soi, comme la manière de se parler, de juger ses émotions, pensées et comportements, et de se soutenir dans les moments difficiles. L’idée est de se traiter avec douceur et compréhension, plutôt qu’avec un regard critique et dévalorisant, pour construire un sentiment de sécurité intérieure fiable (quoi qu’il arrive, je serais toujours là pour moi-même).
La bienveillance envers soi-même se traduit aussi par des choix de vie qui respectent ses besoins fondamentaux et ses valeurs personnelles, qu’il s’agisse de prendre soin de sa santé, de poser des limites, ou de cultiver un environnement sain.
Ecouter, reconnaître et satisfaire ses besoins.
L’amour de soi consiste également à écouter ses propres besoins et à leur accorder toute la place qu’ils méritent, qu’ils soient physiques, émotionnels ou mentaux. Besoin de repos, d’alimentation saine, de relations authentiques, de temps pour soi… Cela signifie être attentif à ce qui nous fait du bien, à ce qui nourrit notre énergie, et à ce qui, au contraire, nous épuise ou nous éloigne de nous-mêmes. Cela passe aussi parfois par la capacité de dire « non » pour se protéger, ou « oui » pour se donner le droit d’aller vers ce qui alimente notre joie et notre bien-être.
Loin d’être un comportement égoïste, c’est au contraire un excellent moyen de relationner de façon saine et apaisée ! La capacité à répondre à ses besoins permet en effet de prévenir l’épuisement et le ressentiment. En se donnant la permission de prendre soin de soi, on renforce sa santé mentale et physique, et on se met dans une meilleure position pour offrir soutien et amour aux autres.
S’aimer soi-même, c’est faire preuve d’auto-compassion.
L’auto-compassion consiste à s’accorder la même gentillesse et compréhension que l’on accorderait à une personne proche ou à un·e enfant face à des échecs ou des souffrances. Cela implique de reconnaître que la souffrance et l’échec sont des expériences humaines universelles, et que la vie nous apporte forcément son lot de difficultés. On a alors la possibilité de s’infliger des critiques sévères et dépréciatives, ou celle de se parler de façon douce et constructive pour, là encore, favoriser un sentiment de sécurité intérieur où on sait qu’on ne s’abandonnera pas soi-même, dans toute notre entièreté.
Evidemment, et comme beaucoup de processus en thérapie : c’est plus simple à dire qu’à faire ! Mais ça ne veut pas dire que c’est infaisable. Une approche thérapeutique explore d’ailleurs précisément cet aspect de l’amour de soi : la thérapie de la compassion. Elle permet entre autres de se connecter avec cette part de soi qui peut être si dure et inflexible, de chercher à comprendre ce qu’elle veut nous dire, et d’expérimenter une autre façon de lui répondre que le rejet qui n’a souvent pour effet que de l’envenimer. Si ça vous intéresse, ça tombe bien : c’est justement l’un de mes outils thérapeutiques préférés !
C’est reconnaître sa propre valeur.
Non, on n’a pas besoin de répondre à ce qui nous est imposé par la société pour être digne d’être aimé·e. On peut ne pas baser son estime de soi sur des critères de réussite, d’apparence ou d’approbation sociale qui sont très arbitraires, mais aussi très changeants et dépendants de chaque personne face à soi.
Chercher à cultiver l’idée que sa valeur personnelle n’est pas déterminée par les jugements et les opinions extérieures, permet de développer un sentiment de sécurité plus fiable, puisqu’il sera moins impacté par les fluctuations de l’extérieur. (Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il ne le sera plus du tout, le regard et la valorisation de nos pairs étant codé dans notre organisme comme primordial ; chercher à s’en détacher serait inefficace, en plus d’être douloureux et de tomber dans la poursuite d’un objectif inatteignable.)
Et s‘accorder le droit à la croissance et au bien-être.
L’amour de soi inclut un désir sincère de grandir et de s’améliorer, non pas parce que l’on se juge insuffisant, mais parce que l’on se sent digne d’évoluer en lien avec nos besoins et vos valeurs.
S’engager dans sa propre croissance suppose de prendre la responsabilité de son développement personnel et professionnel de façon aussi alignée avec ses valeurs que possible, en se fixant des objectifs réalistes et réalisables, en explorant de nouvelles compétences et activités, en nourrissant notre esprit avec ce qui nous anime… Cet engagement est une reconnaissance que notre bien-être et notre épanouissement sont importants et méritent qu’on leur accorde du temps et des ressources.
Et surtout : s’aimer soi-même est un processus !
L’amour de soi est souvent considéré comme un processus plutôt que comme un état fixe, car il implique un cheminement dynamique et évolutif vers une relation plus positive et bienveillante avec soi-même, malgré les difficultés intérieures et extérieures qui peuvent être rencontrées en chemin.
C’est une compétence qui se développe avec le temps et la pratique, en lien avec nos expériences et notre perception de nous-même. C’est d’ailleurs souvent après un moment douloureux qu’on voit à quel point on n’a pas appris à prendre réellement soin de soi, et qu’on développe la volonté à le faire.
Cultiver l’amour de soi nécessite des pratiques régulières et intentionnelles. Cela peut inclure des rituels quotidiens comme la méditation, la tenue d’un journal, ou des outils développés dans les TCC (thérapies cognitivo-comportementales) qui visent à modifier des schémas de pensées et des comportements qui ne vont pas dans le sens de notre bien-être.
Ce processus implique donc une réflexion sur nos croyances et nos valeurs personnelles. Cela peut nécessiter de remettre en question les idées reçues sur nous-mêmes, souvent héritées de notre éducation, de notre culture ou de nos expériences passées. Cette exploration permet d’identifier ce qui est réellement important pour nous et de redéfinir notre identité en fonction de nos propres valeurs plutôt que de celles imposées par les autres.
Alors, vous en êtes où dans ce processus ? On en parle ensemble ?